vendredi 10 avril 2009

Dette 104: Les effets pervers des emprunts

Ceci est la conclusion de la série de blogs dont le sujet était un « cours » sur le fonctionnement d'une dette.  Il est recommandé de lire ou relire "Dette 101", "Dette 102" et "Dette 103" avant de poursuivre.


Personne ne surveille les dépenses


Un des problèmes liés à l'endettement est que les contribuables n'ont pas d'idée sur l'envergure des dépenses. On construit, on achète et on ne reçoit pas la facture. Alors personne ne se doute de la valeur des "cadeaux" reçus, on a l'impression qu'ils ne coûtent rien. Aucune raison de se plaindre. Mais voyons le taux de taxation de la ville de Granby des dernières années, si la facture avait été refilée aux contribuables.

La colonne "valeur dépensée" correspond au taux de taxes équivalent dépensé par la Ville, tel que défini dans le tableau du cours "Dette 103", c'est-à-dire l'argent supplémentaire que la Ville peut dépenser grâce à l'emprunt. La colonne "montant réel dépensé" tient compte des intérêts qui seront payé sur les emprunts via les paiements futurs. Soyons clairs, ces montants ne sont pas fictifs, ils représentent réellement ce que vous auriez dû payer. Dans la réalité, ils sont simplement répartis sur 15 ans, ce qui donne l'illusion que vous payez très peu.


L'année 2006 correspond au premier budget de Richard Goulet. Le conseil n'a pas fait d'emprunt (tout a été payé comptant) et il a gardé le taux de taxation à 80 ¢. Dans le tableau il est indiqué 60 ¢, c'est en fait le taux de taxation que nous aurions eu si les évaluations en 2006 avaient été les même qu’en 2007-2009.


En 2007, les évaluations des immeubles ont grimpés de plus de 30%, malgré un taux de taxes maintenu à 80 ¢. Ceci a eu l'effet d'une augmentation de 20¢ (20 ¢ / 60 ¢ = 33%). Insatisfait de cette augmentation (10 ¢ aurait été amplement suffisant, soit descendre le taux de taxes à 70 ¢), le conseil emprunte 8 millions$ pour acheter les terres Miner: boisé Miner, golf et développement résidentiel inclus. S'il aurait payé cet achat comptant, il aurait fallu qu'il augmente le taux de taxation à 1,01 $ (soit 343 $ de plus pour une maison de 166 000$). Mais comme l'achat ne s'est pas fait comptant, il faut ajouter les intérêts, ce qui fait grimper la facture à 1,09 $. Ceci représente environ 480 $ pour une maison moyenne à Granby. Je ne sais pas si les résultats du référendum auraient été les mêmes si les gens auraient reçu une telle facture, plutôt que de se faire dire que cela équivalait à "un maigre 2 ¢ par année" sur leur compte de taxes. Je me demande si les gens auraient été plus ouverts à écouter d'autres solutions comme payer comptant l'expropriation du boisé Miner par exemple, ce qui aurait divisé le montant de la facture par cinq.


Mais continuons avec l'année 2008. Comme c'est indiqué dans le tableau, si on avait payé comptant tout ce qui a été dépensé, le taux de taxes aurait dû être 1,22 $. Mais comme il faut aussi payer les intérêts, le montant réellement dépensé est de 1,40 $. Si vous avez une maison de valeur moyenne, imaginez recevoir une facture de 1000 $ supplémentaire sur votre compte de taxes l'année dernière. Avec une telle facture, je me demande si les gens n'auraient pas demandé au conseil si reconstruire en totalité le pont Mountain était vraiment nécessaire. Je me demande s'ils n'auraient pas remis en question la nécessité de faire un 4-voies au lieu d'un 3-voies. Je me demande si les achats des immeubles au centre-ville auraient une aussi grande valeur à leurs yeux. Je me demande si payer pour la vente-trottoir au centre-ville serait toujours une aussi bonne chose, alors que normalement ce sont les commerçants qui en défraient les coûts.

 
Et tout ça continue en 2009. Mais personne ne se plaint ou pose de question, car personne n'est affecté par ce qui se passe, du moins pour le moment. Selon Richard Goulet, il s’en passe des choses à Granby, mais je ne crois pas que les citoyens seraient du même avis s’ils voyaient la facture.


Les dépenses excessives


L'effet pervers venant du fait que personne ne s'intéresse aux montants dépensés est que les administrateurs ont le cordon de la bourse beaucoup moins serré. Ceci n'est pas lié à un individu en particulier, c'est un trait humain, un point c'est tout. Quand personne ne pose de question, on ne cherche pas de réponse. Donc on fait moins attention aux dépenses (du genre "tant qu'à y être, mettez-en deux!"). En plus, le fait qu'on dépense tellement plus et qu'on multiplie les projets, le temps manque. Ceci se traduit par un manque de suivi des comptes et on a tendance à payer sans trop poser de questions afin de respecter les échéanciers. Par exemple, le pont Mountain était évalué à 4,3 millions$ dans le budget, alors que la soumission la plus basse a été de 6,5 millions$. Pour ce même pont, on avait évalué l'exécution des plans et devis à 100 000 $: la soumission acceptée s'est révélée être quatre fois plus cher. Pourtant personne n'a posé de question ou fait d'enquête, ce qui est la norme dans de telles situations. On s'est contenté de sortir le chéquier.


En enlevant ces dépenses excessives, cela signifie que les montants de la colonne "valeur dépensée" du tableau précédent auraient probablement été moins élevés si tout avait été payé réellement comptant. 


Je me souviens


L'utilisation massive des emprunts pour multiplier les revenus des municipalités date d'il y a environ 40 ans. À cette époque pour faire encore plus dans la "magie", on recourait à des emprunts de 20 ans et même plus. Ceci donne droit à une "période de grâce" d'au moins 13 ans au lieu de 11 ans (Voir "Dette 103"). De plus, on n'accordait pas d'importance aux taux d'intérêt. J'imagine que la théorie était que les investissements passés auraient été tellement fructueux que les prêts se seraient remboursés tout seul. Ce n'est jamais arrivé. En fait, ceci ressemble plus à la pensée magique des ventes pyramidales et c'est la raison pour laquelle ça ne fonctionnera jamais.  


Les maires sont restés en place durant toute la période de grâce, pour finalement se faire littéralement jeter dehors lorsque cette période s'est terminée, car les paiements – et surtout les intérêts - ont frappé fort. Ceux qui les ont remplacés dans les années 80, n'ont pas eu le courage de rembourser les dettes (Voir "Dette 102"), préférant maintenir la dette stable, offrant un niveau de taxation auquel les contribuables s'étaient habitués, même si l'argent servait désormais à payer des intérêts plutôt que des "cadeaux". Et c'est depuis ce temps que l'on observe une détérioration des infrastructures municipales, faute de fond. Et ce sera le cas tant et aussi longtemps que les dettes ne seront pas éliminées.


À Granby, on a eu la chance d'avoir un visionnaire (un vrai) qui nous a retiré ce fardeau. Mais certaines personnes sont nostalgiques de l'époque des "cadeaux" d'il y a 40 ans et ils n'ont pas aimé les difficultés subies lors du paiement de la dette. Malheureusement, ces esprits simplistes associent maintenant le bonheur à l'endettement car ils ne comprennent pas que tout ça n'était qu'une illusion. Nous sommes condamnés à faire des choix et la magie n'existe pas.


Conclusion


S'il n'y a qu'une seule chose à retenir de cette série de blogs, c'est ce qui suit:


Si, par rapport à l'année précédente, votre dette …


Augmente: Vous créer une richesse artificielle qui n'est qu'illusoire. Cette période est toujours agréable puisque vous obtenez quelque chose sans recevoir la facture. (Voir "Dette 103")  


Ce privilège de recevoir avant de payer vient avec une facture qui est environ 45% plus cher que la valeur de ce que vous obtenez. Il est donc quasi-impossible de rentabiliser financièrement un tel investissement.


De plus, cet argent trop facilement obtenu mène plus souvent qu'autrement à des dépenses superflues, non réfléchies et excessives.


Se maintient: Vous ne faites que payer des intérêts inutilement, dans le seul but d'éviter l'inévitable: rembourser votre dette. Plus la dette sera élevée, plus les intérêts seront élevés. (Voir "Dette" 101")


Diminue: Vous payez désormais pour cette richesse artificielle dont vous avez jouit par le passé. Cette période sera toujours désagréable puisque vous payez sans obtenir quoi que se soit en retour (Voir "Dette 102"). Trop souvent, vous payez pour des biens désuets ou à remplacer, ce qui est très démoralisant.

1 commentaire:

  1. Faut se demander si les fonctionnaires actuels ont les compétences pour évaluer les couts de grands travaux. Si l on vous dit monsieur le maire le pont va couter 10 millions, sais ça le prix, vous allez dire se sons eux les experts ils doivent le savoir.

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